Tout savoir sur l'abandon de poste assimilé à une démission

Temps de lecture : 5 minutes
Paru le 22/05/2023 - Mis à jour le 30/08/2023

    Vous avez récemment été confronté à un abandon de poste dans votre entreprise ? Vous savez qu’il a récemment été réformé et vous ne savez plus quelle procédure mettre en place pour rompre le contrat de travail de votre salarié ? Rassurez-vous, nous vous proposons un décryptage pratique de l’abandon de poste volontaire d'un salarié désormais considéré comme une démission. Définition, procédure, enjeux… Nous vous disons tout sur l’abandon de poste présumé être une démission.

    Qu’est-ce qu’un abandon de poste assimilé à une démission ?

    Tour d’horizon des principales définitions à connaître, remise en cause par le décret n° 2023-275 du 17 avril 2023 sur la mise en œuvre de la présomption de démission en cas d'abandon de poste volontaire du salarié.

    Qu'est ce qu'un abandon de poste aujourd'hui ?

    Selon l’article L1237-1-1 du Code du travail, un salarié qui abandonne son poste et qui ne justifie pas son absence ni ne reprend son poste malgré la mise en demeure de son employeur est présumé démissionnaire. Et ce, même en l’absence d’une manifestation de volonté claire et non équivoque de quitter l’entreprise définitivement.    

    Rappelons qu’avant l’entrée en vigueur du décret précité, l’absence injustifiée du salarié, c’est-à-dire l’abandon de poste, n’était pas considérée comme une démission et pouvait donner lieu à un licenciement pour faute qui permettait au salarié de prétendre aux allocations chômage.

    Bon à savoir : cette nouvelle définition et les conséquences qui en découlent valent pour les salariés qui ont abandonné leur poste depuis le 19 avril 2023. Le droit antérieur s’applique toujours pour les abandons de poste avant cette date.

     

    Qu'est ce qu'une démission ? 

    En l’absence de définition légale, la démission a été définie par la jurisprudence comme un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de rompre son contrat de travail.

     

    Pourquoi l’abandon de poste est-il présumé être une démission ?

    Ces dernières années, on a pu constater une nette augmentation des licenciements pour abandon de poste.

    Dans le secteur privé, 70 % des licenciements pour faute grave ou lourde sont motivés par un abandon de poste. Plus de la moitié des personnes concernées s’inscrivent à Pôle emploi dans les 3 mois suivants et peuvent prétendre aux allocations chômage (étude DARES février 2023).

    Cette situation a engendré une inégalité avec les salariés démissionnaires pour lesquels la rupture de contrat n’ouvre pas droit aux allocations chômage.

    Pour neutraliser cet effet pervers, la loi Marché du travail du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi a institué une présomption (simple) de démission en cas d'abandon de poste par un salarié, ce qui a pour conséquence d’exclure ce dernier du régime d’assurance chômage.

    L’objectif du Gouvernement est de limiter les départs volontaires silencieux permettant d’ouvrir droit aux allocations chômage.

     

    Quelles conditions doivent être réunies pour que l’abandon de poste soit assimilé à une démission ?

    L'employeur constatant l'abandon de poste et souhaitant faire jouer la présomption de démission doit mettre le salarié en demeure par lettre recommandée avec avis de réception ou remise en main propre contre décharge de justifier son absence et de reprendre son poste (L1237-1-1 du Code du travail précité).

    Il doit également préciser au salarié qu'à défaut de réponse dans un délai de 15 jours calendaires, celui-ci sera présumé démissionnaire à la fin dudit délai et ne pourra pas prétendre à une indemnisation chômage.

    En réponse à cette mise en demeure, le salarié peut justifier son absence en invoquant un motif légitime et en le précisant.

    Le décret précise que peuvent notamment être invoqués les motifs suivants :

    • raisons médicales ;
    • exercice du droit de retrait (L4131-1 du Code du travail);
    • exercice du droit de grève (L2511-1 du Code du travail);
    • refus du salarié d'exécuter une instruction contraire à une réglementation ;
    • modification du contrat de travail à l'initiative de l'employeur (sans que le salarié ait donné son accord).

    À la date d’expiration du délai de 15 jours, les règles de droit commun de la démission classique s'appliquent.

    La durée du préavis dû par le salarié démissionnaire est celle prévue par la convention ou l'accord collectif ou, à défaut, par l'usage pratiqué dans la localité et la profession, ou encore par le contrat de travail.

    Le salarié démissionnaire a droit à l'indemnité compensatrice de congés payés et à l'ensemble des sommes qui lui sont dues en vertu de son contrat de travail.

    L'employeur est tenu de délivrer au salarié :

    • un certificat de travail ;
    • un reçu pour solde de tout compte ;
    • et une attestation Pôle emploi qui doit également être remise à Pôle emploi.

    Bon à savoir : si le salarié reprend son travail pendant le délai laissé par la mise en demeure, ou s’il justifie son absence, la présomption de démission ne s’applique pas.

     

    L’employeur est-il obligé de lancer la procédure de démission suite à un abandon de poste ?

    L’employeur n'est pas obligé de lancer la procédure suite à un abandon de poste.

    De la même manière qu’avant l’entrée en vigueur du décret, il peut décider de ne rien faire.

    Dans ce cas, le contrat de travail du salarié n’est pas rompu mais est simplement suspendu, et sa rémunération également.

    Cependant, cette situation n’est pas conseillée car elle est inconfortable pour l’employeur. En effet, le salarié fera toujours partie de l’entreprise et des effectifs.

    Quelles sont les conséquences immédiates de l’abandon de poste ?

    L’absence du salarié entraine immédiatement une suspension de sa rémunération et de son contrat de travail jusqu’à la date de rupture de son contrat.

    Quelles sont les conséquences de l’abandon de poste assimilé à une démission ?

    L’abandon de poste assimilé à une démission emporte plusieurs conséquences tant pour l’entreprise que pour le collaborateur.

    Quelles sont les conséquences pour l’employeur ?

    L’employeur ne procédera pas à un licenciement pour faute et devra mettre en demeure son salarié de reprendre son poste ou de justifier son absence.

    À l’issue du délai de 15 jours, si le salarié n’a pas répondu, n’a pas repris son poste, ou a répondu qu’il ne reprendra pas son poste sans davantage justifier son absence, l’employeur est en mesure de présumer de la démission de son salarié et doit remettre à ce dernier les documents de fin de contrat habituels.

    Quelles sont les conséquences pour le salarié ?

    Le salarié ne perçoit pas de salaire pendant la durée de son absence et est considéré comme démissionnaire.

    Il n'a pas, aux yeux de la loi, involontairement perdu son emploi. Ainsi, la rupture de son contrat ne lui permet pas de bénéficier d'aucune indemnisation chômage (à moins de pouvoir justifier d'un cas de démission reconnue légitime par l'assurance chômage).

    Le salarié peut-il contester la démission prononcée à la suite de son abandon de poste ?

    Cette présomption de démission étant une présomption simple, elle peut être renversée.

    Pour cela, le salarié peut contester la rupture de son contrat sur le fondement de cette présomption devant le bureau de jugement du Conseil de prud'hommes qui doit statuer sur la nature de la rupture et ses conséquences dans un délai d'1 mois à compter de sa saisine.

    Quelles sont les conséquences de l’abandon de poste justifié par un motif légitime ?

    Si les juges estiment que la justification que le salarié avance est légitime et qu’ils concluent que la présomption de démission ne peut pas être retenue, l’abandon de poste sera imputable à l’employeur et la rupture devra être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

    Justifiant :

    • Le versement des indemnités de rupture afférentes.
    • De prétendre aux allocations chômage.

     

    Conclusion

    La réforme de l’abandon de poste est récente. Des éclaircissements doivent être apportés aux employeurs quant à la possibilité ou pas de continuer à procéder à un licenciement pour faute en cas d’abandon de poste. Les premières jurisprudences sur ce sujet seront probablement enrichissantes.

    En attendant, il est conseillé aux entreprises de mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et de présomption de démission en étant très attentifs lors de la rédaction de la mise en demeure et lors de l’éventuelle réponse du salarié.

    En effet, si la rupture est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’employeur sera tenu de verser les indemnités de rupture afférentes, ce qui représentera un coût bien plus important que le licenciement pour faute qui était jusqu’alors d’usage.

     

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